Dominique de Villepin: « L’agriculture, l’un des piliers de l’économie et de l’histoire française » (Terre-net Magazine, 06/12/2010)
Terre-net, propos recueillis par Pierre Boiteau, le 06/12/2010
Ancien Premier ministre, Dominique de Villepin affirme croire en l’avenir de l’agriculture. Pourquoi ? Interview.
Terre-net: Pouvez-vous résumer l’agriculture en quelques mots ?
Dominique de Villepin: L’agriculture est l’échange des hommes et de la terre, un travail au coeur de tous les enjeux actuels de qualité, de sécurité de l’alimentation, de santé publique. Un travail inscrit dans le long terme, celui de la responsabilité des hommes vis-à-vis de leur terre.
La plus grande valeur de l’agriculture française ?
C’est son enracinement dans une terre en même temps que son ouverture sur l’avenir.
Son plus grand défaut ?
C’est ce qui est en même temps sa plus grande force et sa plus grande originalité, dans un contexte de compétition mondiale : sa diversité. Peu de pays ont des terroirs, des productions, des modes de faire-valoir aussi divers. La réputation de la France d’être le pays aux 365 fromages n’est pas usurpée. Tout l’enjeu aujourd’hui est de faire vivre cette force sur le plan économique dans un monde qui tend à l’uniformisation, à la pasteurisation des goûts, à la banalisation.
Votre meilleur souvenir lié à l’agriculture ?
Une enfance baignée dans le monde rural, entre moissons et vendanges, dès que je rentrais en France pour les vacances d’été.
Vous sentez vous plutôt âme «écolo» ou «agricolo»?
Notre pays souffre aujourd’hui de trop opposer les démarches. Nous voulons tous une agriculture forte (…) et un environnement sain à transmettre aux générations futures. Marier les deux exigences suppose de la vision et surtout du temps.
L’agriculture est régulièrement attaquée, politiquement et médiatiquement. A-t-elle réellement des progrès à faire ? Ou est-elle une cible facile pour les bobos ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’incompréhension, parce qu’il y a beaucoup de méconnaissance et beaucoup d’a priori injustifiés. Mais, cela montre avant tout l’immense travail d’échange et de dialogue, encore nécessaire au sein de notre pays, pour faire comprendre les enjeux réels de l’agriculture.
L’agriculture pèse-t-elle sur le budget européen ?
Oui, mais il faut relativiser. D’abord son poids relatif baisse : l’agriculture représente désormais moins de la moitié du budget de l’UE. Ensuite, le budget de l’UE est lui-même bien en deçà des ambitions, avec à peine plus d’1 % du Pib européen. Mais surtout, on ne peut pas s’arrêter à ce constat : il faut aussi compter avec ce que l’agriculture rapporte.
Votre discours sur l’agriculture, n’est-ce pas juste pour vous donner une image et gagner des électeurs ?
Il ne s’agit pas de capter des votes mais d’écouter une souffrance. Il y a urgence car le revenu de certains exploitants agricoles a été divisé par deux en deux ans. Si j’accorde tant d’importance à l’agriculture, c’est parce que je crois qu’elle constitue un enjeu économique et humain. Et parce qu’elle fait partie intégrante de ma vision de la France et pour la France. Notre pays ne se relèvera pas de la profonde dépression, dans laquelle il semble tombé, sans un renouveau de son agriculture, qui est l’un des piliers de son économie et de son histoire.
Croyez-vous à l’avenir de l’agriculture ?
J’y crois parce qu’à chaque étape de notre histoire, l’agriculture et les agriculteurs ont été au rendez-vous du changement et de la quête d’une plus grande justice. J’y crois parce que je crois à l’avenir de la France.