Un idéaliste dépourvu d'illusions

Le discours de François Hollande au Bourget le week-end dernier était pétri d'humanisme, émouvant parfois, lyrique souvent et sincère dans les intentions affichées très certainement. Au-delà des mots, il y a cependant quelques réalités qui s'imposeront au candidat socialiste.

En 1981 François Mitterrand avait su lui aussi toucher "au cœur" des Françaises et Français et les faire rêver, du moins pour une majorité de celles et ceux qui s'exprimèrent le 10 mai, de lendemains qui chantaient. Les lendemains furent effectivement au rendez-vous mais les surlendemains aussi : dès 1983/84, les généreuses intentions étaient balayées et laissaient place à la "pause" puis à l'austérité…

Pénétrés des idéaux reagano/thatchériens les gouvernements successifs des deux septennats de Tonton firent entrer les loups de la pensée unique internationaliste dans la bergerie hexagonale ! L'Acte unique, le traité de Maastricht avec les critères du même nom, l'élargissement à la hussarde de l'Union européenne, l'ouverture aux marchés internationaux de la dette nationale, les stock-options et leur douce fiscalité, l'envolée boursière, etc. toutes les adaptations furent avalisées, conduites, adoptées par des gouvernements et des majorités dits de "gauche".

La "révolution" britannique des années Blair en rajouta une couche dans l'aggiornamento du PS et sa conversion aux thèses ultralibérales les plus échevelées, allant même jusqu'à faire de Dominique Strauss-Kahn, parfait prototype du cheval de Troie d'un système totalement dévolu aux financiers transnationaux, le champion du parti pour l'échéance de 2012 !

Au surplus, François Hollande aura beau dire et beau faire, il lui faudra compter avec les caciques de sa formation, vieilles ou vieux professionnels de la politique, ces élu(e)s récurrents qui vivent depuis des lustres sur la bête, les Aubry, Fabius, Montebourg, Emmanuelli et autres Delanoë. Même les représentants de la génération montante, les Valls ou Hamon, sont comme déjà usés avant que d'être, ressassant à l'infini les mêmes slogans les faisant apparaitre comme autant de thaumaturges. Les vieux réflexes ont la vie dure : le PS en est déjà à la répartition des prébendes, madame Royal se voyant volontiers grimper au perchoir de l'Assemblée…

Malheureusement le scénario est déjà écrit : faute de s'attaquer résolument aux racines du mal, l'éventuel pouvoir socialo-pluriel né des présidentielles et législatives de 2012 accouchera de mesures de soutien à la consommation des ménages les plus fragiles sans que notre appareil productif puisse en profiter. Le déficit de la balance commerciale se creusera davantage et la spirale de l'endettement ne sera en rien cassée… L'austérité reviendra, en son temps et comme naguère, aussi surement que les feuilles tombent des arbres à l'automne… Le rêve se sera à nouveau fracassé sur les illusions entretenues par le seul discours politicien.

De l'autre côté, l'UMP fragilisée par 5 années de soumission éhontée aux foucades d'un Nicolas Sarkozy très en deçà des compétences requises pour assumer la fonction de chef de l'Etat, attend la décision du locataire de l'Elysée et, telle la sœur Anne, ne voit rien venir, hormis, pour les plus lucides de ses élu(e)s, la certitude d'une superbe veste doublée pleine peau en juin 2012 pour bon nombre d'entre eux !

Le bilan est tellement désastreux qu'il ne peut être question de s'en affranchir ; les 5 années sont tellement traumatisantes que le projet 2012/2017 ne pourrait apparaitre que comme étant son antithèse, pénibles correctifs d'une politique tenue en échec : électoralement très peu vendeur mais toujours plus qu'un quinquennat nouveau se plaçant dans la continuité et l'accentuation de ce qui a été commis depuis 2007 !

Au mitan de cette fausse alternative, François Bayrou conduit sa campagne comme on sort du carême : son immense faim de reconnaissance présidentielle semble assécher tout ce qui était apparu comme résolument novateur en 2007. Les thèmes sont rares et ne semblent être posés que pour mieux faire ressortir une ambition certes légitime mais un peu courte eu égard aux enjeux…

Toute cette camarilla, ces mêmes actrices et acteurs qui s'agitent depuis des années, qui ne voient pas plus loin que leur pré carré, qui ont une conception très "boutiquière" de leurs avantages acquis et s'empressent d'oublier, enfin arrivés au pouvoir, tout ce qui en légitimait l'accès, tous ces parvenus de la République n'ont rien compris à cette crise.

Ou plutôt ne comprennent rien à ce qui pourrait nous en faire sortir par le haut. J'ai beau scruter les différents programmes : aucune proposition de fonds, rien qui ne tienne compte des réalités ambiantes, aucun souffle ni perspective, aucune suggestion quant au rôle moteur que le pays pourrait tenir au niveau européen et sur la scène internationale afin de dépasser cette conception très mondialiste des échanges.

Car s'il y a bien une certitude à tirer de cette lame de fond que l'on appelle crise, c'est que les Etats-Unis se trouvent dans la même situation que feu l'empire soviétique dans les ultimes années de son existence : les canons ou le beurre ! A force de confisquer une partie de plus en plus léonine au profit des industries de défense, Washington est en train de détruire ce qui fit le creuset de son dynamisme, les classes moyennes. L'empire américain est en train de sombrer et notre monde de devenir "apolaire" ! Les boussoles connues sont donc inopérantes et nous attendons l'émergence des nouveaux points de référence.

La présence au 55 rue du Faubourg-St-Honoré d'une personnalité ayant le charisme, la connaissance et le sens des évolutions est une donnée majeure pour le futur. Seul Dominique de Villepin nous parle d'un devenir, s'adresse à nos intelligences, active nos neurones pour mieux laisser exprimer nos "tripes". C'est un idéaliste dépourvu d'illusions, adoptant une hauteur de vue rarement rencontrée dans le discours politique mais au service de l'action pragmatique, recentrée sur la citoyenne et le citoyen et fondée sur la justice sociale et la solidarité républicaine.

"Il est seul" raillent les spectateurs du quatrième pouvoir, ces pipettes de l'information qui s'agitent désespérément dans le dérisoire pour mieux masquer la vacuité des analyses. Mais c'est précisément parce qu'il est seul, sans prébendiers à ses côtés, que l'analyse de l'ancien Premier ministre est lucide et ses propositions cohérentes ! Et cohérentes elles le sont puisque ne tenant pas compte des rentes de situation de celles et ceux qui seraient chargés des destinées du pays !

Dans la tourmente on ne peut pas être juge et partie, sauf à émasculer ce que l'on pense être juste et bon au nom de l'intérêt général au profit de ce que l'on sait être dénué d'effets tangibles car uniquement dévolu à la satisfaction des intérêts particuliers.

Faire rêver, oui, mais avec la nécessaire lucidité ; faire rêver, oui, mais en assumant pleinement le contrat passé avec le Peuple à la faveur du scrutin.

Au demeurant, l'homme apparaît comme sans doute seul aux yeux aveuglés de la classe journalistique mais nous savons que son armée des humbles est fournie, déterminée et disposée à en découdre. Rendez-vous est pris pour les 22 avril et 6 mai 2012 !