Lee73 Admin
Messages : 603 Date d'inscription : 04/03/2010 Age : 67 Localisation : St Jean de la Porte
| Sujet: Dominique de Villepin sur "Mots croisés", France 2 le 6 février 2012 Mar 7 Fév - 12:35 | |
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L'émission qui avait pour thème "Doit-on copier le modèle allemand ?" n'a pas tenu toutes ses promesses, même si les réponses apportées permettent de penser que le fameux modèle outre-Rhin n'est pas si exemplaire, qu'il correspond à l'organisation et au développement historique de l'Allemagne et qu'il n'est pas exportable en tant que tel.
Ceci posé, il convient de reconnaitre que Dominique de Villepin n'est pas apparu totalement à son aise sur le plateau. Cela tient à mon avis à deux facteurs. J'ai cru déceler une certaine forme de retrait après une journée entière passée sur le terrain en Côte-d'Or. C'est actuellement l'inconvénient de combiner déplacements et prestations tardives (l'émission prévue pour 22h50 a commencé au surplus avec une bonne demi-heure de retard suite aux prolongations d'un journal télévisé de 20 heures fournissant une nouvelle fois une tribune à Merkozy). Les invitations sur les grands médias sont délivrées avec une telle parcimonie que le candidat Dominique de Villepin doit les exploiter impérativement, même lorsqu'elles viennent alourdir un emploi du temps déjà très chargé. Mais il aura infligé, en introduction, au petit Wauquiez une magistrale leçon sur l'art de la diplomatie et de la négociation !
Il faut aussi dire que Dominique de Villepin ne baignait pas dans un environnement à très haute valeur ajoutée intellectuelle… Les autres invités n'étaient que des "seconds couteaux", très convenus dans leurs approches et leurs paroles, et le Premier ministre a toujours un peu de mal à maintenir une qualité élevée de débats en présence de politiciens "professionnels". Les échanges entre un Laurent Wauquiez, ministre en exercice, véritable prototype de la voix de son maître et de la voie du technocrate entré en politique comme on entre dans un magasin, et un Arnaud Montebourg, alternant suffisance et condescendance, se bornaient à bilan contre programme, dans un strict cadre droite / gauche dénué d'intérêt : les langues de bois politiciennes pèsent décidément très lourds dans le niveau des débats ! Au sempiternel argument censé flageller Villepin / Wauquiez "De la même famille", Dominique de Villepin aura su opposer un suave "Pas tout-à-fait la même famille", subtilité qui venait relever l'épaisseur des anathèmes.
La position d'un Arnaud Montebourg, mettant en avant l'accord signé entre le PS français et son homologue allemand le SPD, montre à l'envi que les caciques de la rue de Solférino jouent la même partition que Sarkozy mais sur l'autre bord de l'échiquier politique. La ritournelle d'une instrumentation à deux paramètres, les éléments du fameux couple franco-allemand (dont la journaliste allemande Jacqueline Henard précise que l'utilisation n'est jamais faite à Berlin où l'on évoque les relations franco-allemandes, donnant un caractère nettement plus distancié que le pathos véhiculé par Paris), est aussi bien pratiquée à gauche qu'à droite. Le chemin original d'un développement et d'un mode d'organisation qui nous soit propre sont décidément bien absents des usines à gaz montées tant par la senestre que par la dextre.
Dominique de Villepin a pu paraître parfois être tombé un peu à côté de la plaque dans le développement de son argumentaire. L'introduction d'une réorganisation des pouvoirs publics en réponse à la question d'Yves Calvi sur "comment retrouver du dynamisme industriel" a ainsi pu sembler incongru. Pourtant les faits sont têtus et les chiffres auraient pu être rappelés par l'ancien locataire de Matignon : gouvernement Merkel, 16 personnes ; gouvernement Fillon 3, 34 membres…
Dans l'ensemble Dominique de Villepin a su très bien introduire un volontarisme dans l'action des pouvoirs publics, un pragmatisme collant aux nouvelles réalités et la redynamisation d'un tissu économique parfois trop recroquevillé sur la préservation de l'existant. La mondialisation, qu'on le veuille ou non, ne pourra pas nous permettre de revenir à ce qui était ; il faut anticiper, déceler les points d'entrées d'une nouvelle organisation de nos atouts. Il se situe bien dans la voie équilibrée entre l'ultralibéralisme échevelé personnifié par Nicolas Sarkozy et ses courroies de transmission et le socialisme qui escompte sur les vieilles recettes pour sortir le pays de l'ornière. Tout cela fleure mauvais les alternances sans cesse vues, subies et inefficaces !
La candidate de Lutte Ouvrière à cette présidentielle, Nathalie Arthaud, véritable Arlette Laguiller bis, avec la même "jovialité" dans l'expression, aura eu le mérite d'introduire, trop vaguement, les nécessaires questions à résoudre quant au partage des richesses créées entre les revenus du travail, y compris à l'intérieur de ces rémunération, et ceux du capital. Elle reste cependant encalminée dans les contradictions internationalistes de sa formation. La défense des travailleuses / travailleurs et des emplois nationaux mais sans que cela interfère dans celle et ceux des autres pays : quadrature du cercle !
On pourra noter l'excellente façon de conduire les débats d'un Yves Calvi toujours soucieux d'obtenir une réponse à la question qu'il posait, revenant à l'occasion sur sa question lorsque la réponse apparaissait par trop dilatoire. Equilibré, posé, courtois mais ferme, l'animateur de "Mots croisés" apparait comme un des journalistes les plus professionnels de l'hexagone. Sa consoeur allemande Jacqueline Henard n'a pas vraiment apporté un éclairage pénétrant, semblant un peu désemparée face aux jeux puérils d'un duo Montebourg / Wauquiez bien dérisoire !
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