L'exigence de résistance

Une semaine s'est écoulée depuis ce que l'on peut et doit considérer comme étant un échec dans cette tentative de rencontrer le Peuple souverain. Les bruits divers courent et peuvent servir d'exutoire à une déception ressentie cruellement par beaucoup de celles et ceux qui auront tant espéré et tant donné depuis trois ans.

Dominique de Villepin porte sa part de responsabilité si l'on veut bien se souvenir que l'homme est d'abord très solitaire dans ses réflexions, dans leur traduction politique et qu'il a toujours avoué son peu de goût pour les machines partisanes. Notre mouvement a très certainement souffert de cette absence de compétences dans la gestion quotidienne de ses activités ; Dominique de Villepin saura aussi tirer les leçons de cette tentative avortée. Il faudra en tenir compte pour l'avenir.

Le passé nous donne ainsi quelques éléments de réponses. Lorsque le Général de Gaulle fonde le Rassemblement du Peuple Français (RPF) en 1951, c'est aussi sur un constat fort : les institutions choisies pour la nouvelle République, quatrième du nom, ne répondront pas aux défis posés par la reconstruction du pays et par la nouvelle donne géopolitique née de la Seconde guerre mondiale. Malgré toute la méfiance (certains diront le mépris) affichée par l'homme du 18 juin à l'égard des partis, il décide cependant de faire le pari de modifier le système de l'intérieur en adoptant les règles du jeu des institutions.

Il se lance dans la bataille des municipales de 1947 avec sa propre formation, le RPF. Cruel constat : dès que le combat va porter sur une échéance majeure, les législatives de 1951 (la quatrième était un régime parlementaire), le système va lutter efficacement contre la mouvance gaulliste (et accessoirement aussi contre un parti communiste en pleine puissance) en changeant les règles et inventant le système des apparentements. Devant ce qui était considéré comme un échec, le Général mettait en sommeil le RPF dès 1955 et Colombey-les-Deux-Eglises apparaissait bien comme devant être l'ultime étape du chemin historique de Charles de Gaulle. Entre 1955 et 1958, pour la presse, la classe politique, les pays étrangers, le citoyen et la citoyenne de l'hexagone, la certitude était bien là : l'avenir politique du Général n'existait plus ; l'homme était fini… Lui-même d'ailleurs ne se faisait guère d'illusions : les faits lui donneraient raison mais il serait trop tard et lui ne serait plus là pour le voir. Juin 1958, le Président René Coty appelait le Général pour que la France reprenne le cours de son histoire !

Durant cette poignée d'années charnières, ils furent peu à maintenir vivace entre eux cette flammèche de l'espérance. Convaincus de la justesse du constat, des solutions préconisées mais aussi de l'incapacité d'une classe politique à envisager les changements nécessaires, ils entrèrent en résistance, résistance silencieuse aux oreilles du plus grand nombre mais résistance active, impalpable politiquement mais dense dans la richesse de ses réflexions. Elle était le fait de compagnes et compagnons peu connus, voire même carrément inconnus, qui établirent un maillage étroit qui sut, le moment venu, remplacer un régime à bout de souffle.

Nous sommes précisément dans cette phase de maturation de notre combat : exclues du débat démocratique, nos propositions n'en demeurent pas moins celles qui sont porteuses de notre futur.

Oui l'esprit citoyen doit être revisité, vivifié et magnifiquement placé au cœur de la République !

Oui l'appareil de l'Etat doit être amélioré, l'instance gouvernementale réorganisée, le tissu territorial rebâti et les comportements des mandataires doivent changer !

Oui l'outil industriel doit être musclé, pétri par cette nouvelle donne mondiale qui s'impose à nous !

Oui l'Union européenne doit être une chance pour chacune des nations qui en est membre et non un boulet trainé collectivement !

Oui la voix puissante et sereine du pays doit à nouveau être audible sur la scène internationale et porter les valeurs de la République Française.

Le système actuel est presque à bout de souffle ; il bouge encore mais les soubresauts indiquent que la fin n'est plus très éloignée. Et la classe politique n'est pas capable de discerner l'inéluctable agonie tant elle est engluée dans les dérives de l'ensemble. Dominique de Villepin ne sera pas candidat mais son constat reste lucide, ses analyses sont justes et ses propositions fondent notre horizon. Mais le pays n'est pas encore prêt car la classe politique n'est pas disposée au courage. Nos compatriotes qui souffrent individuellement ne sont pas encore dans cette dynamique collective qui est à la source de tous les sursauts. Cela dit, je suis tout de même étonné par le nombre de personnes rencontrées qui, sans être auparavant villepinistes déclarées, font naturellement référence, depuis l'annonce de son retrait, aux propositions de l'ancien Premier ministre. Il semble acquérir cette position qui est celle de l'Homme du recours

Alors nous devrons être ces résistants de l'ombre, ces spectateurs attentifs de la déliquescence d'un régime se coupant peu à peu de toutes les réalités quotidiennes, ces témoins vigilants du pourrissement progressif de nos valeurs républicaines, ces relais impalpables auprès du plus grand nombre, ces organisateurs du futur.

Dominique de Villepin est probablement dans une phase d'introspection, recherchant naturellement dans son entourage le plus proche les conditions d'un retour à l'équilibre personnel ; qui pourrait lui en vouloir ? Ne sommes-nous pas aussi dans cette quête après toutes ces années passées à espérer, argumenter, débattre et convaincre ?

Mais je suis persuadé qu'un certain nombre d'entre nous, malgré les rancœurs, les déceptions ou les découragements, sont encore animés par cette foi dans l'avenir du pays et la certitude qu'il passera à un moment ou à un autre par une présidence de Villepin. Ne demandons pas à l'homme d'Etat d'être une bête politique : il ne sait pas l'être et il ne veut pas l'être ! C'est à nous de proposer la trame de notre action de terrain dans cette traversée du désert, à nous de poser les jalons de cet outil politique qui saura, le moment venu, appuyer électoralement les perspectives dégagées par l'homme d'Etat.