Lee73 Admin
Messages : 603 Date d'inscription : 04/03/2010 Age : 67 Localisation : St Jean de la Porte
| Sujet: 30 juin 1965 / 30 janvier 1966 : La chaise de la France est vide à Bruxelles Mar 30 Mar - 7:46 | |
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Au début des années 60, les six membres de la Communauté Economique Européenne (CEE) se posent la question de l’organisation de la coopération politique en leur sein. Les sommets européens de Paris (10 et 11 février 1961) et de Bonn en juillet de la même année, établissent une commission intergouvernementale chargée de faire des propositions sur le sujet. Elle est présidée par le gaulliste Christian Fouchet et rend ses conclusions définitives, dites Plan Fouchet, dont la caractéristique principale est d’exclure la Commission européenne du champ des décisions politiques. Les divergences profondes de conception entre la France, tenant d’une simple coopération intergouvernementale entre les membres de la CEE, et les cinq autres membres de la CEE (Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg et Pays-Bas), favorables à l'octroi de compétences de type politiques à l'Europe communautaire, aboutissent au rejet du Plan Fouchet ; la Commission y voit une opportunité pour faire avancer les thèses intégrationnistes.
L’homme politique allemand Walter Hallstein est le premier président de la Commission européenne de 1958 à 1967. Ancien secrétaire d'Etat aux affaires étrangères du chancelier Konrad Adenauer, il élabore la Doctrine Hallstein (toute nation reconnaissant la République Démocratique Allemande verrait ses relations diplomatique immédiatement rompues avec la République Fédérale d’Allemagne). A Bruxelles, il présente en 1965, à l’Assemblée parlementaire et non pas au Conseil des ministres, son plan d’organisation d’une Europe fédérale (ressources financières propres à la Commission européenne, budget communautaire dépendant uniquement du Parlement européen et extension du vote à la majorité qualifiée). Ce projet suscite un veto immédiat du général de Gaulle. L’ombrageux homme du 18 juin donne consigne à son Ministre des Affaires Etrangères, Maurice Couve de Murville : la France n’ira pas dans les sables mouvants de l’intégration à marche forcée ! Les bons offices des Belges et Italiens n’y changeront rien, la chaise de la France fut effectivement vide de juin 65 à janvier 66, bloquant de fait les décisions de la CEE. La crise fut résolue par le Compromis de Luxembourg, en janvier 1966, qui affirmait la nécessité d'une prise de décision à l'unanimité pour les votes importants. Hallstein doit finalement se soumettre puis se démettre, remplacé à son poste par le Belge Jean Rey.
Cette position intransigeante rappelle l’antienne que Margaret Thatcher, Premier Ministre Britannique, à peine arrivée au 10 Downing Street, asséna dans tous les sommets européens « I want my money back ! ». Excédé notre Jacques Chirac national, alors à Matignon, finit par exploser in petto « qu’est-ce qu’elle veut en plus, mes (ici un mot que la décence m’empêche de rapporter mais sachez que cela concerne une partie très précieuse de la gente masculine) sur un plateau ? » ; le micro étant encore actif, malicieux hasard ou acte délibéré – nul ne le sait – toute la salle put profiter de la proposition française. Manifestement insensible à l’offre du fougueux Premier Ministre de la France, celle dont on disait qu’elle était une poigne de fer dans un gant de crin obtint effectivement le « back » de sa chère « money ».
Ces épisodes montrent combien une détermination sans faille et la certitude d’agir dans l’intérêt d’abord de la nation qui vous a délégué une mission doivent conduire l’action de l’homme ou de la femme d’Etat. Le maintien d’un Commissaire européen Irlandais comme prix de l’organisation d’un second référendum de ratification du traité de Lisbonne en est une nouvelle illustration.
Alors, doit-on espérer ou redouter une nouvelle politique de la chaise vide pour la France ?
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